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« Faire de la réussite scolaire une coproduction » par Gérard Lauton

02 octobre 2024

« Les organisations qui réussiront à l’avenir sont celles qui
découvriront comment capter l’engagement et la capacité
d’apprendre des gens à tous les niveaux de l’organisation ».
Peter Senge[1].
Comment sortir des sentiers battus aux côtés des élèves,
susciter leur engagement dans le parcours scolaire,
les accompagner en vue de nouvelles capacités,
Cinq principes au service de ces ambitions :

La réussite scolaire est à l’évidence multifactorielle. Qu’elle soit une coproduction tombe sous le sens. Mais il est prometteur de recenser, pour mieux les mobiliser, les maillons de la chaîne qui, chacun dans son rôle, peuvent concourir à cet objectif. Car cette quête de réussite est – à des degrés divers – celle de tous ces maillons. C’est pourquoi il n’est plus possible ni souhaitable de s’en tenir à la seule dualité enseignant – enseignés dans l’unité de lieu de la classe, ni à la modalité devenue caduque d’un discours formulé du haut de l’estrade, réputé être soigneusement écouté et noté, puis appris et bien compris …

Le rôle des différents collectifs est devenu primordial pour des apprentissages procurant des connaissances et compétences durables pouvant être invoquées et réinvesties d’une période scolaire à la suivante, puis dans la vie active.

Dans la quête d’une plus grande performance scolaire de notre système éducatif, l’heure n’est plus à temporiser au motif de ne froisser personne. En témoignent les verdicts des enquêtes internationales, tant sur le plan des capacités en Français ou en Mathématiques (comprendre un énoncé, …), que sur celui du vécu de nos apprenants. Les élèves français disent leur manque de confiance en eux, leur crainte de poser des questions en classe, de peur d’être ridicules. De plus, selon ces enquêtes[2] « l’Hexagone reste la championne des inégalités entre élèves », ainsi que l’avait relevé André Antibi.

Mais rien ne serait pire que de noircir le tableau à l’excès, au risque de négliger d’authentiques réussites. Celles des acteurs de la Voie professionnelle ; celles de nombreux enseignants et/ou chercheurs qui, n’écoutant que leur passion, conçoivent et partagent en ligne des innovations pédagogiques sur des réseaux sociaux (LinkedIn, …), ou dans les sites et forums d’associations de spécialités. Mais aussi les ressources mises en ligne par Éduscol ou par divers organismes (CNESCO, …) ou dans des plateformes numériques[3] de e-learning proposant dans diverses disciplines des parcours d’apprentissage personnalisés. Nombre d’entre elles sont en accès libre et gratuit au bénéfice des utilisateurs. Mais comment discerner et mettre en œuvre des priorités pour hâter de réelles avancées ?

Ouvrir ensemble des voies de progrès pour l’École

Une réflexion citoyenne est requise pour améliorer les performances de notre système éducatif, le vécu et la réussite des parcours scolaires. Les cinq principes suivants sont versés au débat avec l’idée que leur déclinaison contribue à des avancées :

  • Faire vivre une relation interactive enseignants « apprenants et apprenants « apprenants
  • Expliciter les objectifs et contenus, les exigences et les promesses du parcours de formation
  • Concevoir en équipe les séquences au prisme des profils et des capacités des apprenants
  • Évaluer pour mieux motiver, former et remédier, pour faire évoluer les façons d’enseigner
  • Penser la formation dans son contexte (cursus, équipe, établissement, environnement social, …).

Pour ne pas en rester à des mots-clefs et à des formulations lapidaires, il est utile de leur donner corps et d’en préciser plus avant les attendus et les enjeux.

– Expliciter et partager la feuille de route : dans le Primaire et le Secondaire (Collège et trois voies du Lycée) comme dans le Post-Bac, les apprenants s’engagent dans des parcours scolaires dont ils peinent souvent à identifier les étapes et à percevoir où ils mènent. C’est pourquoi il importe que les objectifs, contenus, exigences et modes d’évaluation soient vraiment explicités et partagés dès le départ, en vue d’une feuille de route partagée par les apprenants et leurs entourages. C’est loin d’être toujours le cas.

– Mieux connaître ses apprenants : cela concerne leurs capacités et leurs progressions (tests de positionnement), leurs rapports aux savoirs (théorie « pratique) et leurs projets, leurs valeurs et leurs choix, leurs narratifs et leurs imaginaires, leurs lieux et héros favoris, leurs habitudes de vie, … afin de mieux trouver ce qui les motive, de mieux repérer et traiter les lacunes, de faire mesurer l’effort à consentir pour majorer la réussite. Identifier ces profils, ces attentes et ces besoins, va bien au-delà de quelques renseignements écrits sur une fiche en début d’année. Par exemple, il est utile d’identifier qui se sent plus à l’aise dans un cheminement pratique vers théorie (démarche à caractère inductif) ou dans l’autre sens.

– Jouer la carte du contrat : codifier pour partie la vie de la classe et de l’établissement par des contrats de confiance, notamment pour définir et mettre en place des règles de vie, lutter contre le harcèlement, faire vivre des modes coopératifs d’entraide entre apprenants, miser sur les bénéfices d’une évaluation plus juste et plus stimulante des acquis, ce qui a donné lieu à l’idée d’un contrat de confiance tel que formulé au départ [ version initiale ] et dont les termes ont fait l’objet d’adaptations selon le contexte de la classe [ version étendue ]. On peut y rattacher l’apport des projets d’école et projets d’établissement ont les termes engagent les différents acteurs.

– Faire vivre l’équipe pédagogique comme creuset d’une conception concertée des progressions et d’une interdisciplinarité aidant à trouver « du sens » aux contenus enseignés. Mais aussi comme interlocutrice des représentants des élèves et de leurs entourages pour trouver ensemble des solutions (défis à relever, élèves difficiles à “gérer“, …), ou pour dédramatiser l’éventualité d’un parcours de remédiation voire de réorientation en vue de valoriser une “sortie par le haut”.

– Impliquer les partenaires de l’École : les rôles des collectivités territoriales et du bassin d’activité sont déterminants pour une identité plus affirmée et partagée de l’établissement dans son environnement, donnant lieu à de stimulants échanges et génératrice d’un sentiment d’appartenance de nature à motiver apprenants, intervenants et partenaires. Créer des évènements (visites, fêtes, …) peut être très motivant pour tous. À l’échelon local, l’engagement des partenaires s’exprime notamment dans des projets éducatifs de territoire (ruraux et/ou urbains), des cités éducatives, l’éducation prioritaire.

– Partager en réseau expériences, témoignages et travaux portant sur les champs pédagogique et didactique. En s’attachant à rapprocher recherche et pédagogies actives, à repérer les réussites, à interroger les échecs ou les impasses. Le MCLCM s’attache à y contribuer à son niveau, avec l’ambition de coopérer davantage avec d’autres mouvements.

 Mettre en regard les systèmes éducatifs des différents pays, à commencer par ceux de l’Union européenne, à des fins de comparaison. Ne serait-ce qu’en vue d’une connaissance mutuelle qui fait souvent défaut. Les générations montantes d’enseignants y sont plus enclines, mais on observe encore en France une notable réticence à porter un regard par-delà les frontières, comme en témoignent les termes de maints débats sur l’éducation.

Des échanges coopératifs pour la réussite scolaire

Le MCLCM a toujours mis en exergue la possibilité d’œuvrer à la meilleure réussite possible de tous, en mettant cartes sur table les objectifs, en faisant la vérité sur les prérequis et les exigences de travail des cursus visés, en s’engageant sur les principes et modalités d’une évaluation sans piège conçue pour mesurer les acquis et les progressions de l’élève et de la classe par référence aux objectifs visés.

Mais le manque à gagner des performances de l’École en France ne peut s’expliquer seulement par des modes d’évaluation inadéquats. Ce sont les acquisitions elles-mêmes qui sont en cause (cf. PISA et Évaluations nationales).

Comme l’évoquait André Antibi en parlant d’une « autre constante macabre », l’élève qui ne capte pas le message en classe éprouve en temps réel un sentiment d’échec et encourt un risque immédiat de décrochage avant même toute évaluation.

Cela soulève pas mal de questions sur les façons d’introduire des notions de telle sorte que l’élève y « trouve du sens » et se prenne au jeu de ce qui lui est présenté. Cela requiert des échanges et controverses sur l’introduction des contenus. Cet “éléphant dans la pièce” est un élément central pour lequel le MCLCM a des atouts, car il a une réflexion éprouvée du lien entre évaluation et apprentissages. Mais pour avoir plus de résonance, cette réflexion doit être davantage interconnectée avec la recherche en Didactique et en Sciences de l’Éducation, et confrontée à ce qui a cours dans d’autres contrées. Des échanges et des évènements conjoints avec d’autres collectifs peuvent y contribuer grandement.

Après avoir bravé lors des années 2000 le tabou du regard porté sur les pratiques d’évaluation en classe, le MCLCM se mesure désormais à celui du regard – constructif – porté sur les choix de présentation aux élèves des contenus enseignés.

En toile de fond, nous souhaitons renouer des échanges avec nos partenaires et nos soutiens, en vue d’un renouveau des relations Enseignants – Apprenants – Familles – Collectivités – Institutions. Le Colloque 2024-2025 du MCLCM en offrira l’occasion.


[1] https://www.linkedin.com/posts/deniscristol_les-organisations-qui-r%C3%A9ussiront-%C3%A0-lavenir-activity-7230059446478008320-m0AO/.

[2] https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/classement-pisa-la-france-degringole-plus-que-les-autres-pays-en-maths-2039293.

[3] Exemples : https://wims.math.cnrs.fr/wims/ ou https://fr.khanacademy.org/ (parmi beaucoup d’autres).

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