14 février 2025
La « constante macabre » n’a pas sa place à l’École
Le mouvement MCLCM a pris son envol lors des années 2000 à l’initiative de son fondateur André Antibi qui a su mettre en relief le dysfonctionnement du système éducatif causé par la Constante macabre, avec son cortège de mal-vécu scolaire, d’échecs et de décrochages. Afin d’y remédier, le MCLCM a invité à une prise de conscience de ce phénomène par son « Appel pour une évaluation plus juste du travail des élèves et des étudiants ». L’éventail est inédit de ses 60 organisations signataires atteste qu’il a été entendu.
Le MCLCM a proposé une évaluation plus juste des acquis avec le protocole d’un Contrat de confiance basé sur « une formulation bien plus précise au niveau national, des capacités attendues chez l’élève, et surtout sur un climat de confiance entre l’élève et l’enseignant. En particulier, le contenu d’une épreuve d’examen ainsi que sa longueur doivent correspondre à un contrat clairement annoncé par l’enseignant, sans piège ».
Cette formulation des capacités attendues chez l’élève s’est précisée au plan national via le Socle commun[1] de connaissances, de compétences et de culture (années 2010) et le libellé des Programmes officiels. En 2014 – 2015, le MCLCM s’est impliqué dans le chantier national ouvert sur l’évaluation des acquis.
Mais la transposition de ces capacités au niveau le plus local de la classe ne va pas de soi et elle exige une démarche d’explicitation auprès des élèves qui ne sont plus vraiment celles et ceux d’auparavant.
Notre mouvement est aujourd’hui amené à revisiter sa réflexion et son action du fait de l’ampleur des évolutions du paysage éducatif :
- les profils et les attentes des élèves, familles et classes connaissent d’importantes mutations ;
- la part d’appropriation des savoirs par les ressources en ligne, en classe et à la maison, a explosé ;
- la relation pédagogique a pris des formes diversifiées (classe inversée, pédagogies collaboratives…) ;
- les réseaux sociaux ont notablement changé la fabrique des opinions (sur le système éducatif…).
Pour ces raisons, on ne peut plus porter le même discours. Nos constats et nos préconisations requièrent d’autres formulations, voire d’autres pistes de solutions. Par ailleurs, une série de mouvements pédagogiques, notamment des signataires de l’Appel du MCLCM, ont poursuivi des réflexions intéressantes ayant à voir avec nos alertes et avec nos démarches. Certains en feront part lors de notre Colloque du 21 Mars 2025.
L’écho du protocole d’une évaluation par contrat de confiance résonne dans la communauté éducative, mais il peut davantage gagner en audience auprès des nouvelles générations d’enseignants.
On ne peut plus, comme c’était le cas lors des décennies précédentes, et parfois aujourd’hui :
- omettre l’évaluation formative ; trop dissocier l’évaluation sommative des apprentissages;
- délaisser le prisme des ”compétences” alors qu’il étaye l’évaluation par contrat de confiance (EPCC);
- négliger l’impact déterminant du travail en mode numérique, tant en classe qu’à la maison;
- Passer outre l’hétérogénéité parfois énorme dans la classe et les adaptations qu’elle requiert.
Ces différents aspects remettent en cause la formulation originelle de certaines clauses de l’EPCC. Cela conduit à les reformuler afin qu’elles soient davantage en phase avec les impératifs d’aujourd’hui.
Faire partager les clauses d’un contrat de confiance actualisé
La clause d’un « périmètre de révision » (ou ”Fiche de réussite”) partagé en amont de l’épreuve reste pleinement valable, mais la modalité ”verticale” de son affichage par le maître peut laisser place à une élaboration interactive au fil de l’eau[2]. Cette liste est à compléter par les critères d’évaluation qui doivent être explicités (barème décliné par questions, ou plutôt par compétences en jeu dans le programme, …).
La mise en œuvre d’une révision accompagnée ne passe pas forcément par une séance de Questions–Réponses (souvent seuls les bons s’y expriment). Elle peut être préparée à distance (envoi de questions au prof), ou faire l’objet d’un travail en groupes (culture de l’entraide) et d’échanges interactifs (forum, messagerie instantanée). Le recours des élèves à une I.A. (explicitations de cours ou solutions d’exercices) peut être fructueux. En mutualisant les idées dans un travail en équipe avec l’aide du professeur, la classe peut lancer des requêtes partageables pour une bonne révision des contenus de la Fiche de réussite d’une ÉPCC.
La problématique des « petites variations »
La clause d’un sujet composé majoritairement de clones d’exercices de la liste sans aucune variation n’est pas tenable pour un exercice en ligne d’une plateforme numérique[3] qui comporte de façon structurelle des données aléatoires. L’élève a été entraîné à cette variabilité et, qui plus est, on peut paramétrer l’exercice pour lui permettre de retenter sa chance en tapant « recommencer » avec un autre jeu de données, ce qui est très rassurant. De tels énoncés permettent une évaluation sans piège et une réussite majorée. Cela impose de reformuler les clauses du contrat de confiance conçues dans un autre contexte (Programme 2024-2025) :
De petites variations dans l’exercice entre liste de révision et sujet sont assujetties à des conditions :
- Elles ne portent que sur ses variables sans changer son agencement et sa formulation.
- Elles ne doivent pas ajouter de la complexité. Ce qui requiert l’expertise de l’enseignant.
- Les apprenants ont été préparés[4] à cette variabilité au cours des apprentissages.
- Les apprenants en sont avertis par avance (contrat de confiance, liste de révision).
Selon des témoignages d’enseignants pratiquant l’EPCC, leurs classes préfèrent une variabilité maîtrisée (tout l’inverse d’une variabilité sournoise). Car l’invariabilité peut engendrer une démobilisation et la crainte de n’être préparé qu’à la capacité de traiter une situation ”clone” de celle déjà vue, au détriment de l’adaptabilité, les destinant à ne devenir que de simples exécutants censés reproduire des réponses.
Un même contrat de confiance dans toutes les matières ?
Un autre impératif est de bien couvrir les différents champs disciplinaires. Ainsi, dans une gamme de sujets en Langues Vivantes, pour ce typique Sujet du DNB d’Anglais, il y a maintes variations possibles dans le choix des textes vus en classe et des questions du QCM. L’entraînement sur les compétences mises en jeu (« compréhension écrite », …) permet de préparer à cette variabilité à difficulté égale. Pour un exercice axé sur la créativité[5], dont le sujet ne se prête pas à un corrigé unique, il est vain d’envisager un contrat de confiance ”standard” (l’enseignant opposera que cela n’a pas de sens dans sa matière). De même pour une « tâche complexe », pour l’écrit et l’oral d’un « projet encadré », … Nous avons donc ”du grain à moudre” ! Retrouvons-nous au Colloque pour échanger sur ces enjeux au cœur
[1] Décret du 31 décembre 2015 relatif à l’évaluation des acquis scolaires des élèves et au livret scolaire, à l’école et au collège pour « faire évoluer et diversifier les modalités de notation et d’évaluation des élèves de l’école primaire et du collège pour éviter une ”notation-sanction ” à faible valeur pédagogique et privilégier une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles. L’évaluation doit aussi permettre de mesurer le degré d’acquisition des connaissances et des compétences ainsi que la progression de l’élève ».
[2] Cf. la ”microculture de classe” (Mottier Lopez, 2008) avec la construction partagée de critères d’évaluation. Pour rappel, le Contrat participatif d’évaluation (CPÉ) conçu par Grégory Quiquempois et Philippe Roederer (Journées de l’Évaluation 11/12/ 2014.
[3] Exemples en Mathématiques : Tracer deux points alignés avec deux points donnés. Ou bien distance de deux chiens en laisse.
[4] L’objectif est la maîtrise d’une compétence en jeu dans l’exercice, dont les traits prennent forme au prisme des variations.
[5] Il s’agit d’une créativité “intégrée” selon Joas, c’est-à-dire qu’elle s’exerce dans un cadre qui peut être défini à partir de critères de pertinence plutôt que de critères de performance.